En français, l’expression “Faire corps” signifie “ne faire qu’un”, soulignant ainsi l’harmonie, voire la solidarité entre plusieurs éléments. Avec cet intitulé, la nouvelle exposition du Forum entend célébrer un collectif uni qui repose de facto sur un commissariat partagé entre Reiko Setsuda, commissaire du Forum, et Keren Detton, directrice du Frac (Fonds régional d’art contemporain) Grand Large à Dunkerque. Située au bord de la Manche, à proximité de la Belgique et face au Royaume-Uni, cette institution culturelle publique riche de plus de 2 000 œuvres mène une action culturelle ambitieuse à l’échelle de la région. Par leur dimension transdisciplinaire et par les thématiques qu’elles abordent, les collections du Frac Grand Large font écho à cette situation géographique propice aux échanges.
C’est sans doute dans cette perspective que le titre “Faire corps” prend tout son sens puisque l’exposition réunit harmonieusement des œuvres d’une grande variété, réalisées par 13 artistes de tous horizons (Europe, États-Unis et Japon) entre 1973 et 2025. Reprenant la célèbre formule de l’artiste Robert Filliou (1926-1987) : “L’art est ce qui rend la vie plus intéressante que l’art”, les deux commissaires s’interrogent sur la nature ambiguë des relations qu’entretiennent l’art et notre vie quotidienne. Ainsi font-elles dialoguer des pièces qui mettent en lumière le corps social tel qu’il fonctionne au niveau individuel et collectif. Elles réfléchissent également à la manière dont l’art contribue à façonner la vie quotidienne.
Des œuvres des années 1970 d’Helen Chadwick (1953-1996) et d’Andre Cadere (1934-1978), mettant en jeu l’expression corporelle, ouvrent l’exposition. En contrepoint, vont et viennent les créatures étranges de la vidéo Sideshow d’Ana Torfs (née en 1963) ainsi que les formes qui cartographient, selon Nefeli Papadimouli(née en 1988), les relations spatiales entre nos corps et leur environnement. Des représentations symboliques de la vulnérabilité des corps apparaissent dans les pièces de Jesse Darling (né en 1981) et de Paul Maheke (né en 1985), et celles de Tarek Lakhrissi (né en 1992) explorent les tensions entre les langues étrangères et maternelles. Le collectif d’artistes Åbäke (fondé en 2000 à Londres) présente des œuvres qui impliquent le partage de savoir-faire artisanaux tandis que Kohei Sasahara (né en 1984) déploie son travail dans l’espace au croisement de diverses perspectives. L’exposition accueille également des travaux de Jessica Diamond (née en 1957), Pauline Esparon (née en 1993), Bruno Munari (1907-1998), sans oublier les dessins de la Dunkerquoise Christine Deknuydt (1967-2000), qui sondent les limites de l’existence à travers une approche expérimentale dont les traces semblent s’effacer par l’acte même de dessiner. Réunis dans l’espace du Forum, tous ces artistes “font corps”.